• Mariage arrangé page -9-

     

     Mariage arrangé

     

    De religion catholique, il lui était interdit d'en arriver à ces extrémités et puis, maintenant qu’ils étaient mariés, il ne désirait pas divorcer. Robert se rendait bien compte qu'il n'aurait jamais dû suivre les conseils, soit disant avisés, de son paternel. Aujourd'hui, elle lui appartenait, mais dans sa tête, il avait encore en mémoire les paroles de son père qui résonnaient comme un marteau sur l'enclume :

    — « La fille Delaplace est un bon parti ! Elle te veut pas; mais c'est pas elle qui va avoir l'dernier mot : c'est sa mère ! C'est pas son père qui va dire l'contraire ce nigaud ! C'est sa bonne femme qui porte la culotte chez eux ! »

    Les propos de son père cognaient encore à ses oreilles comme autant de coups de marteau sur une enclume :

    — Tu t'rends fils ? J'te donne l'garage en dot p'isque j'peux pus travailler à cause d'ma jambe. Tu sais bein ? Moi et ta mère, on a pus vingt ans ! On a pus b'soin d'grand chose pour viv' ! Tu nous verse une tite pension pou nos vieux jours et ça ira bein comme ça ! Et pis c'mariage avec la p'tit' Delaplace, ça t'f'ras une belle dot en pus du garage que J'te laisse en gérance ! Pour l'moment, la mère Delaplace veut garder son bazar ; mais y'aura bein un jour ou elle en aura mare et elle fera comme moê j'ai fais avec toê! Y prendront un p'tit pourcentage au passage et l'rest' s'ra pour toê ! Les aut'es filles sont pas encor' une menace pou' toi ! J'ai causé avec eux l'aut' jour : y veulent voyager qui z'ont dit ; prend' du bon temps. Y'a pas d'mal à ça ! Y Z’ont d’la fortune ! La dot, marmonnait son vieux en bourrant sa pipe de bruyère qu'il avait l'intention de fumer, vous f'ra un bon p'tit pécule pour voir v'nir ! La mère Delaplace ma promit qu'elle aurait sa dot comme ses aut'es filles et q'l'héritage s'rait bein partagé comme y faut, bein su ! Yen aura ben assez pou' tout l'monde, allez !

    Les fille de la campagne n’avaient pas peur des travaux difficiles. Elles ne s’occupaient que de besogner : elles aidaient leur mère aux tâches ménagères de la ferme et quotidiennement, elles se levaient tôt pour traire les vaches, nettoyer la porcherie, donner la pâtée aux cochons, distribuer les graines aux poules, canards et autres dindes oies et dindons, ramasser les œufs frais du jour qui venaient d'être pondu, donner de l’herbe aux lapins et tout cela sans se poser de question. Les travaux des champs étant dur et nombreux, les hommes : enfin, ceux qui le pouvaient, s’en occupaient de nouveau ; mais tout ce qui était du domaine des femmes, c’était elles qui s’en chargeaient sans rechigner.

    Les journées de grande lessive étaient les plus pénibles, mais il y avait des compensations. Les préparatifs étaient pourtant assez fatigants par eux même. De grandes lessiveuses galvanisées étaient disposées dans la cour de la ferme, alimentés chacune par un constant feu de bois. L’eau à plus de quatre vingt degrés où trempaient les draps de métisse, laissait échapper une vapeur d’un blanc rendu laiteux par les copeaux de savons que l’on ajoutait au fur et à mesure qu’elle montait en température. Ça embaumait l’air. Mère et fille, ce jour là, faisaient équipe pour se répartir le travail et ainsi gagner du temps. La grande lessive se faisait une fois par mois et durait jusqu’à trois jours.

    Pendant ces grandes lessives, les femmes remuaient le linge régulièrement, le sortaient à l’aide de grandes pinces en bois de hêtre pour éviter de s’ébouillanter puis, le retournait à nouveau de façon à ce que tous les côtés du linge se soient bien imprégné de copeaux de savon tout en bouillant ce qui rendait les draps de métisse d'un blanc cassé très souples et d'un blanc immaculé une fois séchés, en plein soleil, dans les prairies verdoyantes.

     

     A suivre...

     

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